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Sous le vent de la mer

Découvrez notre recension de « Sous le vent de la mer » de Rachel Carson, à paraître aux Éditions Wildproject.

Rachel Carson, considérée comme la mère de l’écologie politique, est d’abord associée à son enquête fondatrice et retentissante sur les ravages des pesticides, Printemps silencieux, publiée en 1962 aux États-Unis et rééditée soixante ans plus tard par Wildproject. La maison d’édition marseillaise, consacrée à la pensée écologiste, réédite son premier ouvrage, plus confidentiel, Sous le vent de la mer, publié en 1941 aux États-Unis – premier tome d’une trilogie précurseuse sur les écosystèmes marins.

Écologue marine, Rachel Carson y décrit, avec une connaissance encyclopédique de la mer, la vie sous la surface : les mouvements d’un micro-organisme, ses interactions avec les autres espèces, les instincts qui poussent un oiseau à migrer vers l’Arctique ou une anguille à quitter son étang marécageux pour se reproduire dans les abysses de l’Atlantique… « Sous le vent de la mer a cherché à faire de l’océan une réalité aussi animée pour le lecteur qu’elle le devint pour moi au cours des dix dernières années », explique l’auteure en introduction. Le choix de l’écrivaine est de se placer du point de vue des espèces. Sans anthropomorphisme, elle parvient à raconter des histoires, susciter du suspense et de l’émotion, et faire entendre « les voix inouïes de la mer ».

Le lecteur se laisse emporter dans une aventure marine à la fois ordinaire et nimbée de mystères. Il suit par exemple la vie d’un maquereau pendant une soixantaine de pages – poisson commun qui devient personnage central d’une narration épique. Elle commence par la dérive des œufs, « un nuage de sphères transparentes de taille infinitésimale, une vaste rivière de vie, l’équivalent marin de la rivière d’étoiles qui flue dans le ciel ». Seuls quelques-uns survivront à la prédation d’une multitude d’espèces, dont Scomber, le héros.

Ce dernier réussit à rejoindre un petit port où des jeunes maquereaux se regroupent depuis des temps immémoriaux. Là, ils grandissent et forment banc avant de partir, un jour, vers la haute mer. Ils y croiseront des krills phosphorescents, des calmars affamés, une morue d’une taille colossale ou encore de fragiles escargots ailés. Et des pêcheurs, aussi, qui ont des états d’âme : « Qu’avaient-ils vu, ces yeux de maquereaux ? Des choses qu’il ne verrait jamais ; des lieux où il n’irait jamais. Il ne l’exprimait que rarement en mots, mais il lui semblait incongru qu’une créature ayant réussi à mener sa vie dans la mer, ayant bravé tous les ennemis impitoyables qu’il savait rôder à travers cette épaisseur que ses yeux ne pouvaient pénétrer, dut finalement trouver la mort sur le pont d’un maquereautier, gluant de viscères et glissant d’écailles. »

D’une plume captivante et poétique, Rachel Carson parvient à faire émerger des images et du sens face à la complexité de la biodiversité, ses cycles de vie, ses interdépendances inextricables et sa perpétuelle évolution. Un livre magistral de prise de conscience sur la puissance vitale des mers et leurs fragilités face aux activités humaines. 

Sous le vent de la mer - Rachel Carson → Wildproject 18 octobre 2024 - 250 pages - 20 €

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