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Transition énergétique : comment lier acteurs publics, privés et citoyens ?

Financer la transition énergétique et développer les énergies renouvelables nécessite la mobilisation de tous. De nombreux projets fleurissent un peu partout sur le territoire. Leur force? Mêler citoyens, puissance publique et entreprises privées.

Dans le village de Ruffec, à la frontière entre la Vienne et la Charente, l’ancien centre d’enfouissement de déchets est fermé depuis 2005. Il accueille désormais 17 500 m2 de panneaux photovoltaïques, mis en service depuis le début de l’année. Ce projet, qui permet de valoriser un terrain inexploitable tout en produisant de l’énergie propre, a coûté 4 millions d’euros. "Il a pu voir le jour suite à notre rencontre avec Sergies, entreprise de la Vienne à forte vocation de service public, avec laquelle nous avons créé la société Sol’R Parc Ruffec", raconte Michel Coq, président de Calitom, la collectivité publique en charge de la gestion des déchets ménagers de Charente.

 

Cet article a été publié initialement dans le dernier Hors-série finance solidaire 2017, disponible en kiosque et sur notre boutique.


Montage inédit


Au-delà de la construction d’une centrale photovoltaïque, le projet de Ruffec a vu se concrétiser un nouveau type de montage financier. La loi de transition énergétique pour la croissance verte autorise en effet la participation des collectivités à une société (SA ou SAS) dont l'objet social est la production d'énergies renouvelables sur leur territoire (ou à proximité). Ce qui était impossible auparavant.

Sol’R Parc Ruffec est ainsi détenue majoritairement (à 90%) par l’entreprise de production d’énergies renouvelables Sergies (groupe Énergies Vienne). Mais elle accueille également à son capital deux entités publiques, Calitom et le Syndicat Départemental d’Électricité et de Gaz de la Charente (SDEG 16). "Cette opportunité offerte par la loi nous a même décidé à aller plus loin en créant Sol’R parc Charente pour développer d’autres projets en Charente en matière d’éolien, de solaire ou de biogaz, sur les terrains de Calitom ou ailleurs", explique Emmanuel Julien, président du directoire de Sergies.

Autre nouveauté: l’épargne citoyenne a permis de financer le parc à hauteur de 150.000 euros (pour 157 citoyens prêteurs), via la plateforme Lumo. Une réussite que les acteurs de Sol’R parc Charente espèrent réitérer, voire amplifier pour leurs futurs projets.


Financements hybrides accélérateurs


"Nous avons un parfait exemple de la façon dont on peut décliner le financement et le déploiement de la transition énergétique sur le territoire, assure Emmanuel Julien, de Sergies. Quand on a des sociétés venant à la fois du privé et du public, cela permet une appropriation locale des projets, et ça rassure les banques et les investisseurs."

De plus, même si les grands opérateurs privés éprouvent peu de difficultés de financement et bénéficient de taux bas, "les derniers rapports sur la question soulignent tout de même que les investissements réalisés sont loin d’être suffisants par rapport aux scénarios établis", explique Andreas Rüdinger, chercheur associé au pôle Énergie-Climat de l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales). La Cour des comptes évalue ainsi à 84 milliards d’euros l’investissement nécessaire pour atteindre 25% de renouvelables dans le mix énergétique d’ici 2025, quand négaWatt (1) chiffre à 1.160 milliards d’euros le montant pour atteindre un mix 100% renouvelable en 2050. "Rassembler toujours plus d’acteurs et de fonds autour de nouveaux projets peut donc permettre d’avoir plus d’adhésion et une accélération de la mise en œuvre de la transition", poursuit Andreas Rüdinger.

Ailleurs en France, des acteurs privés, publics et citoyens développent des projets similaires, comme par exemple le parc coopératif des énergies de Narbonne ou encore le projet Advivo Solaire. Pour le premier, il s’agit d’un parc photovoltaïque au sol de 12 MW, qui pourra produire entre 18 et 20 GWh par an, soit la consommation annuelle de 18.000 foyers. Son originalité tient au fait qu’il est prévu d’y associer la culture de biomasse: "des tests sont effectués sur les 25 hectares prévus pour cultiver des arbres, afin de choisir les espèces les plus pertinentes en termes de climat et de rendement", explique Frédéric Petit, responsable de l'antenne de VALOREM à Carcassonne. Ainsi le projet permettra de créer un filière d’approvisionnement en biomasse, en plus de la production d’énergie solaire. À terme, le parc coopératif des énergies de Narbonne est destiné à impliquer différents types d’acteurs : "aujourd’hui, VALOREM est l’actionnaire majoritaire et conservera 50%. L’association Énergies Participatives du Narbonnais (EPN), composée d’acteurs publics et privés (2), est déjà actionnaire, poursuit Frédéric Petit. D’ici quelques semaines, le département et la région entreront au capital." Une fois en phase de construction, en 2019, les citoyens seront invités à y prendre part, selon le principe un actionnaire égal une voix.

Plus à l’Est, à Vienne (Isère), le projet Advivo Solaire est quant à lui déjà en construction. Il couvrira, d’ici l’été 2018, 15.000 m2 de toiture avec des panneaux photovoltaïques. Objectif: produire l’équivalent de la consommation annuelle de plus de 680 foyers. Pour ce faire, il accueille à son capital la société d’économie mixte de la Loire (SEM Soleil), le fonds régional OSER, la plateforme de financement citoyen Énergie partagée et la société Subsol.


L’Allemagne et le Danemark très en avance


Un partage des risques et une meilleure acceptabilité sont autant d’arguments qui concourent au déploiement du financement tripartite des nouvelles installations d’énergie verte. De ce point de vue, des États comme l’Allemagne ou le Danemark sont très en avance. Les citoyens allemands détiennent ainsi près de 50% des installations électriques renouvelables de leur pays via des coopératives alliant collectivités publiques et acteurs privés. L’une des plus anciennes, EWS, est basée à Schönau. Elle compte environ 3 000 sociétaires et fournit de l’énergie propre à 140.000 usagers dans tout le pays.

Un modèle que l’on retrouve aussi au Danemark où la loi sur les énergies renouvelables de 2008 prévoit notamment qu’au moins 20 % du capital des sociétés de projets éoliens soient ouverts aux riverains. L’île d’Ærø par exemple assure aujourd’hui 120% de ses besoins énergétiques grâce à des installations renouvelables entièrement financées par la coopérative locale, sans subventions de l’État. "Nous sommes à la traîne en termes de part citoyenne par rapport à l’Allemagne, mais les outils et les finances sont disponibles, assure Emmanuel Julien, de Sergies. Pour qu’ils soient utilisés, il faut des volontés politiques locales et une appropriation des enjeux par les décideurs et par les citoyens." Chez Sol’R parc Charente, quatre projets sont d’ores et déjà dans les tuyaux. Signe que la transition est également en marche en France.


Notes:
1) Association qui promeut la sobriété énergétique et les énergies renouvelables.
2) Pôle Energies 11, AREVA, Chambre d'agriculture de l'Aude, Le grand Narbonne, le SYADEN, Arterris, Ella Energies et le PNR Narbonnaise.

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