Tuer ou ne pas tuer ?

La question animale cristallise une opposition fondamentale – et violente – au sein de l’écologie. Bien sûr, tout le monde identifie un même ennemi : l’abomination qu’est l’élevage industriel. Mais ce consensus ouvre sur une divergence : peut-on tuer des animaux pour se nourrir ? Ce conflit est certainement irréductible, mais il ne rend pas moins nécessaire un débat que le dispositif de la collection « Disputatio », reposant sur un échange épistolaire, est taillé pour accueillir.

D’un côté, la philosophe Corine Pelluchon ; elle-même végane, elle considère la mise à mort d’un animal comme une monstruosité éthique. De l’autre, la sociologue et zootechnicienne Jocelyne Porcher ; jadis éleveuse, elle plaide pour un élevage paysan fondé sur un don mutuel entre l’humain et ses bêtes, admettant la mise à mort comme l’une de ses conséquences. Soulignant les apories d’une position végane qu’elle juge parasitée par notre répulsion moderne de la mort, elle s’élève contre l’animalisme porté par les groupes antispécistes comme l’association L214. Ils seraient les complices d’un capitalisme biotechnologique qui se perpétuera en concevant de la viande sans viande, en laboratoire. Corine Pelluchon, elle, critique tout type d’élevage comme la poursuite d’un « schème de la domination » au cœur de notre rapport toxique au monde et aux autres. Âpre, déterminée mais toujours respectueuse, cette controverse en douze lettres ne résoudra pas le désaccord, mais elle offre un échange à la hauteur de l’enjeu.

Pour l’amour des bêtes, Corine Pelluchon et Jocelyne Porcher, Mialet-Barrault, 12 octobre 2022, 160 pages, 12 €.

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À propos de l'auteur

Youness Bousenna
Journaliste. Son travail apparait notamment dans Telerama, Socialter, Le Monde, Limite. Il est également l'auteur de Albert Camus, l'éternité est ici (Première partie, 2019).

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