Il y a une corrélation entre la présence de certains insecticides et le déclin accéléré des abeilles : cela peut paraître évident, mais c’est la première fois qu’une étude de grande ampleur le prouve. Les chercheurs du Centre d’écologie et d’hydrologie de Wallingford, au Royaume-Uni, ont compilé dix huits ans de données portant sur l’implantation de 62 espèces d’abeilles dans le pays. “Nos résultats suggèrent que la mortalité liée aux insecticides néonicotinoïdes pourrait prendre de l’ampleur et nuire à la biodiversité des abeilles”, écrivent-ils.
Depuis des années, les abeilles sauvages connaissent un déclin rapide. Les causes évoquées incluent la destruction de leur habitation, l’apparition d’agents pathogènes, le changement climatique et les insecticides. Parmi eux, les néonicotinoïdes sont au centre d’un débat visant à déterminer s’ils jouent véritablement un rôle central dans l’accélération de l’extinction des abeilles. Ce type d’insecticide représente environ 40% du marché mondial, et son utilisation est limitée par la législation européenne depuis 2013.
Des études de moindre ampleur montraient déjà une chute de la natalité de certaines espèces d’abeilles pouvant aller jusqu’à 85% quand elles étaient exposées aux néonicotinoïdes. Cependant, ces études se concentraient généralement sur une courte période, ce qui, selon les auteurs de l’étude de Nature Communications, ne permettait pas de savoir si ces pesticides avaient un effet durable sur la distribution spatiale des abeilles sauvages.
Le colza particulièrement dangereux pour les abeilles
Les chercheurs de Wallingford affirment que l’échelle de leur étude permet de comprendre comment les changements de techniques agricoles ont eu un impact sur les populations d’abeilles. Les données sur la distribution spatiale des abeilles au cours du temps ont été collectées par des bénévoles et compilées par les membres de la Bees, Ants and Wasps Recording Society.
L’étude de ces données a révélé que l’exposition à ces insecticides a un effet sublétal (conduisant à un état proche de la mort), et qu’il y a un lien entre cette exposition et la disparition à grande échelle de certaines espèces d’abeilles, d’autant plus quand ces espèces butinent du colza oléagineux. Ce colza est l’une des principales cultures traitées aux néonicotinoïdes, il couvre 8,2 millions d’hectares en Europe, et il se trouve être également la principale culture butinée par les abeilles au Royaume-Uni.
L’étude précise que les néonicotinoïdes ne sont pas le seul facteur d’extinction des abeilles, et qu’ils s’ajoutent à d’autres causes qui accentuent le déclin. Elle affirme cependant que la suppression de ces insecticides pourrait permettre à certaines espèces de reconstituer une population importante assez rapidement.
En France, l'Union nationale de l'apiculture française (Unaf) estime que ces pesticides sont responsables de la destruction de 300 000 ruches chaque année. Et cela a un impact sur l’ensemble de l’écosystème : selon l’INRA (institut national de la recherche agronomique), les abeilles contribuent à la pollinisation de 80% des plantes à fleurs. De nombreuses plantes dépendent entièrement de ce processus pour se reproduire, particulièrement pour les fruits, les légumes et les stimulants (café…). Si le nombre d’abeilles décline, la pollinisation ne se fait plus correctement, et la production de tous ces aliments risque de chuter et de se limiter à quelques espèces.
Après de nombreuses réticences, la France a voté en juillet dernier l’interdiction des pesticides néonicotinoïdes à partir du premier janvier 2018, tandis que dans l’Union Européenne des restrictions sont en vigueur depuis 2013.
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