Avez-vous cru qu’il y aurait un « monde d’après » ?
Je n’y ai jamais cru, car nous ne sommes pas au pouvoir. Nous, c’est-à-dire l’arc social-écologiste réformiste mais radical qui émerge un peu partout à travers une nouvelle génération : aux États-Unis avec les démocrates Bernie Sanders et Alexandria Ocasio-Cortez, au sein du Parti travailliste britannique et en France. Ces dernières semaines, j’ai été un peu exaspérée par cette rhétorique du « monde d’après », comme si l’on oubliait la lutte et les rapports de force politiques. Or, cette crise révèle plusieurs échecs, que ce soit la carence des politiques écologiques, la lourdeur de la techno-structure et les dégâts des grandes orientations économiques. Ce n’est pas parce qu’on est en situation d’échec que, tout à coup, les bonnes mesures seront mises en place. Néanmoins, les moments de crise sont toujours des moments de bascule. On l’a vu au xxe siècle, lorsque la crise de 1929 a inspiré le New Deal au président américain Roosevelt, ou que la Seconde Guerre mondiale a débouché en 1944 sur les accords de Bretton-Woods pour rebâtir le système monétaire international. Les grands changements surviennent toujours dans des moments tragiques. Tout le corpus idéologique et politique qui nous permettrait d’y parvenir est déjà là : il y a beaucoup de matière chez les économistes hétérodoxes, en particulier sur la dette et le déficit, pour penser...