Numéro 54

Numéro 54

Êtes-vous éco-anxieux ?

Canicule, sécheresse, mégafeux... Comment ne pas être saisi d’effroi par l’été que nous venons de traverser ? Comment ne pas être « éco-anxieux » ? Le terme est en vogue, désignant pêle-mêle plusieurs afflictions (tristesse, angoisse, désespoir...) générées par ce sinistre spectacle parfois à l’origine de troubles psychiques sévères et socialement handicapants. Loin d’être la lubie de quelques bobos fragiles, l’éco-anxiété touche également les populations les plus vulnérables, qui seront aussi les plus exposées aux effets du dérèglement climatique – lequel frappe déjà de plein fouet le territoire français, comme à la Roya où les habitants peinent à retrouver une vie normale. Mais si l’éco-anxiété peut être un sas de politisation, elle peut aussi s’avérer contre-productive quand on la réduit à une simple souffrance individuelle qu’il faudrait soigner.

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DOSSIER

Éco-anxiété : un deuil par anticipation

Qu’est-ce qu’être éco-anxieux? La question n’est pas scientifiquement tranchée. Ce qui n’empêche pas un nombre croissant d’individus
et de médias de s’emparer du concept. La souffrance générée par l’éco-anxiété et le besoin de l’apaiser, l’identification de ses causes et la lutte contre ses maux sont autant d’enjeux liés aux désastres écologiques. Il est donc urgent de mieux définir ce terme.

Laelia Benoit : « ne vous laissez pas polluer par la négativité »

Un truc de riches, une lubie de jeunes, le signe d’un trouble psychique, une stratégie de dépolitisation... Quel anathème n’a-t-on pas jeté sur l’éco-anxiété ? La pédopsychiatre et sociologue Laelia Benoit bat en brèche les clichés communément associés à cette notion, tout en rappelant qu’on peut être à la fois déprimé et en colère, prendre soin de soi et se battre contre le grand capital.

Les bonnes fortunes de l'Éco-anxiété

Le capitalisme ça ose tout, c’est même à ça qu’on le reconnaît. Dans un monde qui va droit dans le mur mais où tout reste monnayable, même les critiques les plus acerbes peuvent être récupérées sans trop d’efforts. Voici que surgit une inquiétude légitime face aux changements climatiques en cours? Aucun problème: « transformer les contraintes en opportunités » est le premier commandement de l’entrepreneur moderne. Comme le bio avant lui ou les énergies vertes, l’éco-anxiété est récupérée par les opportunistes et cyniques de tous bords, qui y perçoivent une occasion à ne pas manquer – tout en omettant plus ou moins sciemment d’interroger la soutenabilité de notre système productif. Tour d’horizon.

Dans la vallée de Roya, la crainte d'une nouvelle catastrophe climatique

La nuit du 2 octobre 2020, les pluies diluviennes de la tempête Alex ont laissé des traces indélébiles dans la vallée de la Roya, à la frontière de l’Italie. Les routes et les ponts ont cédé sous la pression de l’eau. Des pans de montagne ont disparu, la rivière a emporté des vies. Les plus anciens résidents, qui louaient la tranquillité de leur paradis caché, vivent aujourd’hui avec un stress post- traumatique. Quant à la reconstruction, porteuse d’espoirs, elle laisse pour l’instant de nombreuses blessures ouvertes. Deux ans plus tard, les plaies psychologiques provoquées par la catastrophe restent béantes, mais donnent aussi lieu à un grand remue-ménage associatif, collectif et écologique.

Paroles d'éco-anxieux

L’éco-anxiété n’a rien d’un effet de mode ou d’une déprime passagère. La preuve avec ces 5 témoignages qui font état de souffrances profondes et de symptômes parfois lourds: pertes de mémoire, dépression, crises d’angoisse. Quels que soient leur âge, leur milieu et leur lieu de vie, ces personnes se rejoignent sur l’origine de leur malaise.

De l'angoisse à la colère

Les émotions suscitées par la catastrophe écologique en cours ne condamnent pas nécessairement à l’impuissance et la déréliction. L’engagement politique peut alors se révéler d’un précieux secours pour détourner l’indignation individuelle en rage collective et faire de nos affects une force destituante.

L'ENTRETIEN FLEUVE

Kim Stanley Robinson : « la science-fiction est le réalisme de notre époque »

Rares sont les écrivains populaires qui abordent de front le système capitaliste, les grandes théories économiques et sociales, les utopies... et plus rares encore sont ceux qui s’intéressent à la catastrophe écologique et au futur proche qu’elle nous promet. L’Américain Kim Stanley Robinson, auteur prolifique et politique, célébré dans le monde entier pour sa trilogie sur Mars, est de ceux-là. Il a accordé un entretien à Socialter sur son dernier livre, The Ministry for the Future (Orbit, 2020). Écoterrorisme, géo-ingénierie, adaptation, radicalité... il revient sur les thèmes qui parcourent l’ouvrage et, plus largement, la littérature contemporaine.

GRAND REPORTAGE

Estonie : la forêt a des yeux

Repaire de forêts sacrées et d’esprits des bois, l’Estonie a su conserver, contre les vagues de christianisation et d’assimilation soviétique, les croyances païennes qui fondent l’identité de ses habitants. L’attachement des Estoniens à la nature est aujourd’hui le moteur d’une lutte contre la déforestation.

ENQUÊTE

Landes : un jour sans pin ?

Les incendies hors norme qui ont défiguré cet été le massif landais pointent les limites du modèle productiviste. Dominée par la monoculture intensive de pins, cette «forêt» se montre en effet particulièrement vulnérable aux feux mais aussi aux tempêtes et aux maladies. À l’heure des grands bouleversements climatiques, prendre à temps le virage de la diversification et adopter des pratiques sylvicoles plus respectueuses des équilibres naturels apparaît comme une nécessité.

TROISIÈME NATURE

Jardinières : un luxe hors-sol ?

En béton, en bois ou en acier, elles sont un incontournable de nos paysages urbains. Les jardinières, petit condensé de nature domestiquée, apportent des nuances de vert à la ville, à l’heure où la végétalisation est érigée en sauveuse du climat. Cet été, dans de nombreuses communes, elles ont été décrochées. Le début de la fin ?

PLAT DE RÉSISTANCE

L'arpentage, ce punk de la lecture

Né dans les cercles ouvriers de la fin du xixe siècle, réhabilité dans le cadre de l’éducation populaire avant de se frayer un chemin dans les milieux autogérés, l’arpentage permet de parcourir à grands pas les ouvrages qu’on craint d’aborder seul.

L’EFFET PARE-BRISE

« C'est beau une ville qui tolère ses ruines »

Précurseurs de l’exploration urbaine, les photographes Romain Meffre et Yves Marchand, tous deux originaires de la banlieue parisienne, parcourent le monde depuis le début des années 2000 à la recherche de lieux abandonnés. Usines sinistrées, monuments délabrés, salles de spectacle à l’abandon... Leur œuvre esquisse un nouveau rapport aux ruines dans une société qui ne sait que faire des traces de son passé.

RESSOURCES CRITIQUES

Sable : des crimes et des lits

Nécessaire à la fabrication des microprocesseurs, du verre, de l’asphalte et surtout du béton, le sable est la deuxième ressource naturelle la plus utilisée par l’humanité après l’eau. Alors que des interrogations sur ce matériau encore aisément accessible se font jour, les conséquences catastrophiques de son extraction dans nos rivières et sur nos plages sont elles déjà bien connues.

CHRONIQUES

Salomé Saqué : Les superprofits de la honte

Après des débuts au Monde diplomatique et à France 24, Salomé Saqué acquiert une certaine notoriété pour sa couverture du mouvement des Gilets jaunes pour le média en ligne Le Vent se lève (LVSL). Spécialisée dans les questions économiques, elle rejoint Blast, le site d’information lancé en 2021 par Denis Robert. Elle est également chroniqueuse sur France Info et à C politique sur France 5 le dimanche. Elle tient cette chronique pour Socialter.

François Bégaudeau : Pas besoin du fascisme

François Bégaudeau est écrivain, critique littéraire, scénariste et réalisateur. Auteur de plusieurs romans dont La Blessure, la vraie (Verticales, 2011) et En guerre (Verticales, 2018), il a récemment signé l’essai Comment s’occuper un dimanche d’élection (Divergences, 2022). Il tient une chronique régulière pour Socialter et livre deux fois par mois un podcast de critique de cinéma, La gêne occasionnée.

À LA SAUCE ALTER

À poils, les tracteurs !

En Bretagne, les animaux de trait réapparaissent dans les fermes, en marge d’exploitations agricoles toujours plus démesurées. Des néophytes aux plus chevronnés, ces passionnés revendiquent l’autonomie paysanne, le plaisir de collaborer avec l’animal
ou encore, tout simplement, des journées de travail loin du bruit des moteurs.

AU LABO

The Line : à la queue neuneu

L’Arabie saoudite projette de construire une ville-immeuble de 170 kilomètres de long en plein désert, qui cumule à peu près toutes les caractéristiques d’un mauvais roman de science-fiction. Certes farfelu, ce projet signe-t-il la fin du rêve de la «smart city» et du solutionnisme technologique en milieu urbain?

LES DÉTERRÉS

Refus et liberté

Avec L’Homme unidimensionnel, le philosophe Herbert Marcuse (1898-1979) a produit une critique radicale de la société industrielle. Il en appelle à un «grand refus» contestataire pour conjurer le totalitarisme doux du confort généralisé.

COMMENTAIRE DE TEXTE

Leur sobriété et la nôtre

Le 5 septembre dernier, Emmanuel Macron marquait sa rentrée par un discours consacré à la situation de pénurie énergétique qui promet des moments douloureux pour certains Français. Après avoir annoncé un grand « plan de sobriété » mi-juillet, puis la « fin de l’insouciance » en août, il revient ici plus en détail sur ce qui nous attend. Socialter a choisi de s’attarder sur les passages ou le président de la République nous éclaire sur sa définition de la sobriété afin de souligner combien deux visions peuvent s’opposer : celle, subie, inégalitaire et adoptée dans l’urgence que nous promettent les élites et qui s’apparente à une gestion réactive des pénuries à coups de rationnement ; l’autre, choisie démocratiquement, équitable, collective, prenant en considération les années et les générations à venir, et fondée sur une autolimitation préventive de nos besoins. Bref, une autre sobriété est possible.